Arrêt des hormones. J'étais supposée arrêter vendredi dernier mais je juge cette restriction infondée. |
Dernier jour de travail avant l'opération. Soirée d''adieux' à la veille de mon départ pour Munich.
Je pense aujourd'hui avoir sous-estimé la dimension psychologique de l'opération. Certes, je pars me faire opérer en étant sûre de ma décision et certaine que je ne la regretterai pas. Mais c'est oublier d'autres regrets que je risque d'avoir sur la façon dont les derniers jours avant l'opération se sont déroulés.
A quatre jours du jour J, je prends pleinement conscience que je vis les derniers instants avec mon pénis, et bien que je ne veuille plus de ce génital mâle, savoir qu'il va disparaître (ou du moins muter) lui confère à mes yeux une valeur qu'il n'avait pas avant. En clair : je tiens subitement à mon pénis, bien que je me réjouisse en même temps d'avoir bientôt un néo-vagin, et bien que cette nouvelle image de mon corps ne me fasse pas du tout peur.
Cet attachement soudain à mon pénis ne remet pas en cause ma décision en faveur de l'opération car la partie consciente et cartésienne de moi-même m'empêche de faire machine arrière (ce que je ferais à coup sûr si je n'écoutais que mes sentiments du moment, et ce que je regretterais bien entendu aussitôt).
En fait, la manifestation de cet attachement à ce que je vais perdre est qu'elle me pousse à faire tout ce qu'il est encore possible de faire tant que j'ai un pénis par crainte d'avoir des regrets par la suite en me disant "zut, je n'ai pas fait telle ou telle chose avant l'opération et maintenant il est trop tard". Je cherche donc à multiplier les 'dernières expériences' comme uriner debout, avoir un dernier coït vaginal, pénétrer mon amie une dernière fois du mieux que je peux, ou encore faire un moulage de mon sexe en érection afin d'en garder un souvenir.
Mais c'était prévisible : Cette démarche est finalement assez malsaine dans le sens ou elle me soumet à une pression énorme ("Je dois réussir toutes ces dernières fois") qui me bloque totalement et anéantit ma libido, mon plaisir, mes érections et compromet par conséquent tous mes projets de 'dernière fois'. Tout cela est très frustrant.
Plus pernicieux encore : le stress de devoir penser à tout ce que je peux faire avec mon pénis avant qu'il ne soit trop tard est un poids important. En somme, et bien que ce soit ridicule, je suis angoissée à l'idée d'avoir des regrets pour n'avoir pas fait certaines choses dont je n'ai aucune idée.
Le problème de la privation d'une 'dernière fois' est qu'elle m'empêche de ritualiser ce changement brusque dans ma vie qu'est l'opération génitale. Je ne vivrai pas de moment ponctuel et intense où je pourrai me dire "Ca y est : à cet instant précis, je tourne la page, vivons sans regrets et allons de l'avant". Cela me donne un peu le sentiment amer de quitter ma vie de pré-op comme une voleuse et de partir me faire opérer précipitamment.
Après une 'reprise de contrôle' de moi même, aidée par ma meilleure amie Cornelia, je me fais une raison : après tout, les dernières fois n'ont que l'importance que je leur donne et la chronologie n'est pas importante. Le souvenir agréable des 'fois antérieures' vaut largement le souvenir hypothétique d'une dernière fois (qui n'aurait en plus peut-être pas été à la hauteur de mes espérances).
Vivre avec des regrets ou des remords ne sert à rien et je décide donc d'aller de l'avant, sans me retourner, armée de la certitude que je fais ce qu'il y a à faire.