Ma GRS - Récit de ma vaginoplastie

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Lundi 24/11/2003 (Jour J)

Jour de mon opération génitale, qui durera 8 heures et me coûtera 2 arrêts cardiaques.

6h45

Réveil. J'ai bien dormi, malgré un horrible cauchemar (j'ai rêvé que mon opération était annulée) et une légère 'gueule de bois' due au tranquillisant avalé hier soir.
L'infirmière me rappelle que je dois encore me raser un peu le pubis, le pénis et le scrotum.

Je me douche rapidement (j'ai beaucoup transpiré cette nuit).

A 7h30, je dois être prête en tenue (fournie par la clinique), et porter mes bas de contention (fournis eux aussi).

7h05

Une infirmière passe pour prendre ma tension et ma température. Je ne demande pas les chiffres, mais ils sont satisfaisants.

7h20

Je suis prête depuis 10 minutes. L'attente devient insupportable. Que l'on cesse de me faire mijoter et qu'on en finisse !

7h30

On transporte mon lit (avec moi dedans, hélas :-) dans la salle située juste à côté du bloc opératoire.

7h35

On me branche (dans la veine située sur la partie supérieure de ma main gauche) le dispositif destiné à se connecter à la perfusion.

L'anesthésiste qui me pose les patches de l'électrocardiographe s'inquiète des griffures que j'ai sur le ventre (souvenir d'une soirée animée la semaine précédente :-). Il me demande s'il s'agit de traces d'une réanimation passée. Je me montre très hypocrite en lui répondant que j'ai un chat, ce qui ne manque pas de l'amuser.

7h40

Le rideau métallique qui sépare du bloc opératoire la pièce dans laquelle je suis s'ouvre. On me soulève pour me placer sur la table du bloc. Mes jambes sont très en hauteur, et mes bras un peu écartés.

7h43

On me colle un masque à 3 centimètres de mon visage, que j'ai une certaine réticence à respirer. On m'injecte vraisemblablement l'anesthésiant dans la foulée car en l'espace de même pas 5 secondes, je suis inconsciente. Je n'ai même pas eu le temps de commencer à compter.

8 h - 16 h

'Blackout' complet. Je n'ai aucun souvenir de quoi que ce soit, ni même aucun rêve. Ce qui c'est passé pendant ces 8 heures est de mon point de vue plus proche de la mort, ou de la non-existence, que du sommeil.

Je ne crois pas si bien dire : ce que je vais bientôt apprendre va confirmer ce sentiment.

Cliquez ici pour lire le rapport détaillé de mon opération (rédigé par l'équipe de Frau Dr. Spehr).

Cliquez ici pour avoir un aperçu de l'appareillage porté après l'opération.

19 h

J'émerge, bien droguée, en salle de soins intensifs. Ce que je traverse est pire qu'une 'gueule de bois'. J'ai l'esprit très lucide mais il m'est impossible de voir clair. Je manque cruellement d'énergie, et j'ai la voix détruite. Frau Dr. Spehr me demande en allemand où je suis. Après 30 secondes de concentration extrême, je réponds difficilement 'Bogenhausen Chirurgische Privatklinik', à bout de force et avec ma voix enrouée (quel exploit de prononcer une phrase aussi tarabiscotée dans de telles conditions ! Mes ex-profs d'allemand seraient fiers de moi s'ils me voyaient :-) )

Frau Dr. Spehr semble rassurée de me voir consciente avec toute ma tête.

Vers 20 h

Les effets secondaires des produits anesthésiants semblent s'être envolés. J'ai repris mes esprits et je vois net à nouveau.

Frau Dr. Spehr vient me dire, en anglais cette fois, que j'ai eu beaucoup de chance ('You were very lucky'). J'apprends que mon cœur s'est arrêté deux fois de battre pendant l'opération. J'ai eu droit à des massages cardiaques et à des injections pour faire baisser mon niveau de potassium (à l'origine de mes arrêts cardiaques). Si l'analyse de sang faite dans l'urgence n'était pas arrivée juste au moment de l'arrêt cardiaque, je passais très certainement l'arme à gauche.

'Wahoo', je m'exclame. 'Ja. Gott sei Dank !', me répond Frau Dr. Spehr qui s'est visiblement fait très peur cette après-midi. Il me faudra un peu de temps (quelques semaines ou mois, sûrement) pour 'digérer' ce double passage de l'autre côté du miroir.

Je passe la nuit en salle de soins intensifs. J'ai assez mal à l'entrejambes (mais la douleur s'arrête assez vite), des tuyaux partout (électrocardiogramme, mesure de la température, tensiomètre, perfusion dans le cou, oxymètre au doigt), et je n'arrive pas à trouver un vrai sommeil. Les sensations du cathéter Foley dans mon urètre et du stent dans mon néo-vagin sont assez désagréables.

En somnolant, je rêve que mon stent est ejecté, que les sutures cèdent, et que mon néo-vagin n'y resiste pas. Je cauchemarde sur mon cathéter et je vois des visages masqués se pencher sur moi et du sang couler. Le scénario est absurde mais l'angoisse est bien réelle et très intense. L'effet des produits anesthésiant a certainement contribué à ce 'bad trip'.

Toute la nuit, je vais voir les minutes défiler sur l'horloge qui me semble tourner au ralenti. C'est atroce.

En outre, je meurs de soif, et je n'ai pas le droit de boire. On me propose de sucer des bâtonnets au citron, qui n'apaisent pas vraiment ma soif.

Le tensiomètre se déclenche automatiquement toutes les heures, en se gonflant sur mon bras gauche. C'est plus qu'agaçant.