Ma GRS - Récit de ma vaginoplastie

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Lundi 01/12/2003 (J+7)

Sous la douche

Sous la douche.

7 h

Je me réveille après avoir bien dormi et en constatant que mon mal de tête (du à mon cerveau sur-irrigué) a presque disparu. Maintenant je suis rassurée. Ma panique d'hier soir n'était pas justifiée et ma veine est déjà beaucoup moins dure au toucher.

Je me lave (sans oublier les cheveux, ce qui n'est pas un luxe), et je mets un peu d'ordre dans mes affaires.

On m'apporte mes cachets pour la journée.

L'interne me fait une prise de sang pour analyser l'état de mon foie.

Pendant que la femme de ménage passe dans la chambre, je me promène dans le couloir. Une infirmière m'intercepte et me prend ma tension (150/80) et mon pouls (75).

Je bavarde un peu avec mes deux voisines transgenre qui sont d'une grande gentillesse. Je regrette de ne pas avoir eu plus l'occasion de les voir, car elles quittent la clinique aujourd'hui. Nous échangeons nos adresses.

7h35

J'attends mon petit déjeuner. J'espère ne pas avoir été oubliée.

8 h

Mon petit déjeuner arrive alors que je suis toujours dans le couloir. Il est copieux : chocolat chaud, pain, beurre, confiture, miel, céréales, oeuf à la coque.

Alors que je suis en train de manger, Frau Dr. Spehr débarque dans ma chambre pour me dire (en allemand) qu'à 15 h cet après midi, j'enlèverai, nettoierai et remettrai mon stent moi même. Elle me demande aussi de me calmer ('beruhigen' dans le texte), ceci afin de ménager mon cœur. Selon elle je reçois trop d'appels téléphoniques, trop de visites et je me promène trop dans la chambre voisine. Je comprends son inquiétude et je lui dis 'OK' bien que je sache que je n'en fais pas trop. Je connais mes limites et je sais ce que mon cœur est capable d'endurer. Je verrai bien ...

Une infirmière me surprend dans le lit de la chambre voisine, en train de discuter avec mon amie néerlandaise (je commençais à fatiguer à force de causer debout). Elle m'explique que cela n'est pas très hygiénique et me demande de rejoindre mon lit. La conversation continue donc dans ma chambre.

9 h

Mon amie néerlandaise s'en va. Je suis un peu triste car nous nous entendions bien.

10h10

Une infirmière vient me faire un électrocardiogramme. Un médecin analysera plus tard le résultat.

10h30

Une infirmière m'enlève mes bas de contention. Je peux enfin relaxer mes jambes. J'en reçois vite des nouveaux (propres).

12 h

On m'apporte mon repas de midi (des Pfannkuchen puis un yahourt). C'est délicieux mais c'est trop pour moi. J'en mange les deux tiers. Je me sens subitement très fatiguée. Je vais demander à une infirmière de m'enfiler mes nouveaux bas de contention. J'ai encore beaucoup de sommeil en retard et il faut que je sois en forme pour ma séance de nettoyage du stent à 15 h. Je l'appréhende un peu (j'ai surtout peur de me tromper).

14 h

On m'apporte encore un en-cas (gâteau au chocolat). Je n'en peux plus, j'ai trop mangé.


15 h

Je cherche ma consœur suisse qui m'a gentiment proposé de m'assister pour ma séance de nettoyage du stent. Nous commençons la procédure à deux, elle de son côté, moi du mien.

Pour plus d'informations sur le nettoyage du stent, vous pouvez consulter cette page.

Le retrait et le nettoyage se déroulent sans encombre.

16 h

A l'instant où je tente avec beaucoup d'appréhension et sans succès de réintroduire le stent dans mon néo-vagin (dont je ne trouve pas le chemin d'accès), alors que je me trouve debout, jambes écartées, dos au mur (par sécurité), je suis prise d'un malaise terrible et très brutal. Ma tension chute, je ne vois plus rien et je me sens partir. Il m'est impossible de rétablir la situation même en respirant de grosses bouffées d'air.

Natascha, ma consœur suisse, a heureusement le bon réflexe d'appeler les infirmiers qui accourent aussitôt et me remettent dans mon lit. Presque instantanément, je vais à nouveau bien.

La seule explication à mon malaise que je vois à ce moment-là est que, en introduisant le stent, j'ai très certainement touché une zone très douloureuse, mais que les nerfs encore perturbés par l'opération n'ont pas transmis l'information de douleur au cerveau (je n'ai pas eu mal du tout lors du malaise). Je suppose alors que ma chute de tension est une réaction de mon corps à une douleur extrême. Ce scénario catastrophe s'avérera par la suite être fantaisiste, mais je l'ignore encore.

Paniquée, je protège mon néo-vagin avec une compresse et j'attends la venue de Frau Dr. Spehr avant de poursuivre la procédure. Par le plus grand des hasards, un ami médecin m'appelle 5 minutes plus tard. Je lui donne les dernières nouvelles, lui demandant de les transmettre à Cornelia, et j'en profite pour lui demander s'il pense que ma théorie sur mon malaise est plausible. D'après lui, cela n'est pas exclu.

J'ai terriblement peur que les terminaisons nerveuses de mon vagin me handicapent à vie (douleur extrême ou insensibilité complète).

17h30

Frau Dr. Spehr arrive, à grand fracas. Alors que je m'attendais à ce qu'elle procède à des analyses et prenne le moins de risque possible suit à mon malaise, elle me passe au contraire un savon car j'aurais selon elle du arriver à remettre le stent en place toute seule. Aidée par un infirmier, elle m'emmène moi et mon lit en salle de soins afin de me poser le stent. Pour elle, mon malaise est d'origine purement psychologique. Lorsque je lui fais part de ma crainte et lui expose ma théorie sur mon malaise, elle se moque de moi et me recommande de redescendre sur terre. Je commets alors l'erreur de lui dire qu'un médecin de mon entourage m'a confirmé par téléphone que mon hypothèse n'était pas impossible, ce à quoi elle répond (en anglais) : "Vous téléphonez trop" et "Vous faites trop confiance aux médecins", ce que je trouve plutôt déplacé (elle est aussi médecin à ce que je sache). Elle continue dans sa logique en m'expliquant ensuite qu'ici, je dois lui faire une confiance complète et aveugle. Le fait que je pose trop de questions et essaie toujours de comprendre ce que je ne peux de toutes façons pas comprendre relève selon elle d'un trouble psychologique chez moi. C'est charmant. En clair : je ne me soumets pas docilement à son autorité donc j'ai un problème. Je me dis en entendant cela que c'est précisément avec des arguments de ce type que l'on internait les opposants politiques sous Staline. A cet instant, le comportement de Frau Dr. Spehr me fait très peur. La scène me semble en même temps irréelle et parfaitement plausible.

Je pense que si cela avait été un jeu, et si je n'avais pas pensé sincèrement que ma vie était menacée, j'aurais à cet instant basculé ma personnalité pour devenir la parfaite soumise qui lèche les bottes de 'Maîtresse Spehr' et prend un plaisir divin à endurer tout ce qui m'horripilait et me révoltait une minute plus tôt. Mais je continue de résister à la pression car il s'agit bien de ma vie et non d'un jeu.

Frau Dr. Spehr me demande alors si j'ai pris ma douche, ce à quoi je réponds que non, car j'ignorais si c'était recommandé dans mon cas. Elle me réprimande en me signalant qu'elle m'avait clairement ordonné (en allemand) de prendre une douche. Ce détail m'avait échappé. Je retourne donc dans ma chambre accompagnée de Frau Dr. Spehr exaspérée, pour y prendre ma douche, sous sa supervision.

Alors que je suis sous la douche (je crois que je ne me suis jamais lavée aussi vite de ma vie), Frau Dr. Spehr m'arrache le pommeau de douche de la main, le place sous mon entrejambes, projetant ainsi le puissant jet d'eau sur mon vagin et mon clitoris. La sensation me surprend et me réveille. C'est de cette manière très diplomate et délicate que Frau Dr. Spehr m'explique que je dois rincer vigoureusement mon entrejambes à chaque fois que je prends ma douche. Je suis terrorisée ...

Elle s'absente ensuite cinq minutes, le temps que je sorte de la douche, frigorifiée, puis elle revient et me fait avaler 2 ml d'un liquide transparent et sans goût. Sans refléchir, je le bois, ce qui n'est pas dans mes habitudes. Je me reprends ensuite en main et lui demande ce que c'était. "Quelque chose pour stabiliser votre humeur". Charmant, me dis-je, maintenant elle me drogue ... Avec du recul, je pense qu'il s'agissait simplement d'un placebo car je n'ai ressenti aucun effet.

Je retourne dans mon lit. Après une demi-heure d'attente à méditer sur mon sort, les infirmiers me véhiculent à nouveau vers la salle de soins. Arrivée en bas, je monte sur la chaise gynécologique et Frau Dr. Spehr procède à un examen rapide. Sa conclusion est que tout est en bon état. Elle me nettoie alors l'intérieur du vagin à l'aide du spéculum, du chiffon et de l'antiseptique, puis mes agrafes, avec sa douceur habituelle. Enfin, elle appuie vigoureusement plusieurs fois sur mon pubis pour évacuer d'éventuelles secrétions internes. Elle me tend alors un miroir afin que j'observe mon vagin et en saisisse l'anatomie avant de conclure que, puisque cet examen ne m'a pas causé de malaise, mon néo-vagin fonctionne bien et le problème était dans ma tête. Selon elle, j'ai tout simplement paniqué en introduisant mon stent, ce qui a entraîné une chute de tension car mon organisme était encore affaibli. Sur ce point, je sais aujourd'hui que Frau Dr. Spehr avait entièrement raison.

Sur ses ordres, je me tiens complètement nue, debout, dos à la porte, jambes écartées et je dois remettre le stent en place puis maintenir la compresse entre mes jambes avec ma main. J'y arrive sans difficulté maintenant que j'ai mieux compris mon anatomie, preuve que le problème était bien dans ma tête. Frau Dr. Spehr me demande alors où se trouve ma culotte. Comble de la poisse, je l'ai évidemment laissée dans ma chambre. La 'chirurgienne sadique' me dit alors d'un ton moqueur et méprisant que je n'ai plus qu'à rester dans cette position (debout, dos à la porte, une main entre mes cuisses) pendant les trois prochains jours. Elle finit tout de même par me chercher ma culotte que j'enfile sans me faire prier.

Frau Dr. Spehr me demande alors si d'après moi tout est bon. Je ne vois pas où elle veut en venir et lui réponds que oui. Après deux minutes de jeu de devinette, je comprends enfin que j'ai omis de gonfler le stent. Je le fais, selon ses instruction (18 ml et non 16 ml) puis elle me fait comprendre que si j'oublie encore les prochaines fois, c'est elle qui va paniquer.

D'un ton ferme, avec la même autorité qu'une mère qui s'adresse à un bébé, elle m'explique une dernière fois ce que je dois faire tous les jours : enlever et nettoyer le stent, prendre une douche, rincer le vagin et le nettoyer à l'aide de la grande seringue et de la solution antiseptique, puis réintroduire le stent sans oublier de le gonfler après. Et bien sûr, si je vais aux toilettes, je dois impérativement retirer le stent avant pour éviter qu'il ne tombe.

Je lui confirme que j'ai tout compris et que je n'ai plus peur de mettre le stent maintenant que je l'ai fait une fois sans difficulté.

Cette séance de torture psychologique et médicale terminée, Frau Dr. Spehr me donne son numéro de téléphone pour l'appeler en cas d'urgence, si besoin est, puis je retourne dans mon lit, et dans ma chambre, accompagnée par la dominatrice en chef, devenue subitement beaucoup plus détendue et moins froide. Elle ne peut néanmoins pas s'empêcher de me mépriser une dernière fois en me disant que l'oiseau dans ma tête s'est envolé.

Comme une idiote, la pression disparue, je ne peux pas m'empêcher de me soumettre au moins une fois à son autorité en m'excusant pour mon malaise et en reconnaissant que je lui ai fait perdre son temps alors qu'elle avait eu une longue journée.

Avec plus de recul, j'essaie d'analyser ce qu'il s'est passé. Bien sûr, Frau Dr. Spehr avait entièrement raison, sur le fond, même si je ne croyais pas au début à son explication : j'ai bel et bien paniqué, et cette panique a provoqué ma chute de tension. Maintenant, pourquoi a-t-elle agi de façon aussi autoritaire, inhumaine et humiliante envers moi ? Etait-ce vraiment elle, ou bien un jeu de rôle ? Plus j'y réfléchis, plus je me dis que lorsque cela est nécessaire, elle sait jouer de son autorité naturelle pour soumettre ses patientes à une pression psychologique qui leur donne la force de surmonter leurs appréhensions.

Si c'est bien cela, elle est extrêmement douée dans son art. Je pense aujourd'hui qu'elle s'est montrée particulièrement dure avec moi car elle a compris que les limites de ce que je peux endurer sont assez hautes, et que me mettre la pression était le seul moyen de dissiper mes doutes et ma peur d'un nouveau malaise.

Ce que j'ai vécu là était dans tous les cas une belle séance de domination. Je constate que les situations les plus agréables en jeu correspondent en fait aux situations que je déteste par-dessus tout dans la vie réelle. C'est assez logique en somme.

Mon avis est que Frau Dr. Spehr maîtrise parfaitement les mécanismes de la domination et en joue extrêmement bien pour arriver à ses fins. En plus d'être une chirurgienne hors-pair, j'ai la certitude qu'elle est également une excellente psychologue.

20 h

Vers 20 h, je retourne dans ma chambre où mon dîner bien mérité m'attend.

Je reçois quelques appels téléphoniques et je me promène un peu dans les couloirs.

22 h

Je dors comme un loir.

A partir de demain mardi, je dois :

Ceci a pour but d'estimer la capacité de ma vessie, sachant que la moyenne chez les humains est d'environ 500 ml.